Françoise Klein fait partie de ces artistes rares qui disposent de l’intelligence du coeur et de l’esprit car peindre en soi n’est rien s’il ne s’agit que de pratique virtuose ou de mécanique reproduction. Elle exerce dans l’aquarelle et le collage une pure technique, sachant à la fois suggérer et définir, usant des gammes colorées tout autant que de la proportion au service d’une émotion profonde. Car l’Art doit être témoignage du moment, de l’éphémère qui est aussi l’Universel. C’est le cas pour ses saisissants paysages marocains vécus dans leur aride somptuosité et les moments du jour; les gestes des êtres rencontrés accomplissant leurs immuables tâches quotidiennes. Françoise Klein sait aussi raconter la Nature comme autant de belles histoires, de contes merveilleux telle l’obsédante bambouseraie au Japon où notre regard se perd, où on ne sait si l’homme découvrira la femme qui le regarde. Chacune de ses œuvres devient ainsi une véritable poésie qu’elle soit nature morte, portrait, paysage. Parfois fort peu de chose suffit à évoquer, retenir la part du rêve qui nous est de la sorte offerte pour notre ravissement. Son point de vue devient le nôtre, là où elle se place comme en ce labyrinthe de lotus d’une envoûtante densité quand nous voilà dotés d’une vision ténue, surpris de n’être qu’un insecte parmi toute la beauté puissante. Ainsi donc nous nous transportons au gré de l’artiste avec un peu d’eau sur le papier. Cette eau qui sait si bien détruire, grâce à Françoise Klein devient l’eau parleuse, geste d’oracle. Tout se fond ainsi, le ciel, la terre de la baie de Somme, ne laissant en place que la mer source de paix et de consolation. L’étranger que nous sommes, venu contempler ses travaux, ne sera plus le même : il sera revêtu de la juste splendeur.
(Novembre 2017) Jean-Louis Augé
Conservateur en Chef des musées Goya et Jaurès